Vieux réflexes : Des cantons supplient Oligui de « maintenir » leur fils Mougougou au gouvernement
Depuis ce mercredi, la toile gabonaise est heurtée d’un drôle de courrier. Ledit courrier a tout d’une relique de l’ère Bongo, mais il est bien daté du 10 décembre 2025. Signé du « Collectif des six cantons du département de la Boumi-Louetsi (Mbigou) », il est adressé « à la haute attention du Président de la République, Chef de l’État, Chef du Gouvernement ». Objetif affiché : obtenir le « maintien du professeur Adrien Mougougou au gouvernement », ancien leader syndical et fils de cette partie de la Ngounié, alors même que l’intéressé a été élu député du coin et a officiellement quitté de lui-même ses fonctions ministérielles pour rejoindre l’Assemblée nationale.
Clientélisme sauce 5e République
Le ton du texte en dit long sur la persistance des réflexes clientélistes. Les signataires « exhortent » Brice Clotaire Oligui Nguema à user de sa « magnanimité légendaire » pour garder Adrien Mougougou « en tant que Ministre de la Santé afin qu’il puisse parachever l’œuvre immense entamée sur toute l’étendue du Territoire ». La lettre signée du chef de canton central Guy Joseph Ngokelélé se conclut sur des formules quasi liturgiques, souhaitant au chef de l’État « les meilleurs vœux de santé » et demandant que « l’Éternel Tout-Puissant vous bénisse et vous protège infiniment ». Une rhétorique de supplication plus que d’argumentation, où la personnalisation du pouvoir l’emporte sur la logique institutionnelle.
Le courrier insondable
Au-delà du style, ce courrier illustre surtout un malaise politique : des ministres élus députés, qui ont choisi de quitter le gouvernement, nourrissent encore l’espoir d’y revenir par des voies détournées, en se faisant porter par des « collectifs » de notables locaux. En demandant le « maintien » d’un ministre déjà sorti de l’équipe gouvernementale, les auteurs entérinent la confusion entre mandat parlementaire et fonction exécutive, comme si l’élection à l’Assemblée nationale n’était qu’un strapontin dans la course aux maroquins. Preuve s’il en fallait que les 18 ministres débarqués volontairement du gouvernement au nom du non cumul, détestent finalement le mandat qu’ils ont obtenu qui a signé leur départ d’une fonction politique plus juteuse.
Les bonnes vieilles pratiques chères au règne des Bongo
La démarche s’inscrit dans une pratique bien connue sous l’ancien régime d’Ali Bongo et de son père, celle des motions de soutien, lettres de loyauté et autres campagnes de pression locale destinées à maintenir ou ramener un ministre au gouvernement. Que ce type de courrier ressurgisse sous la Ve République interroge : le changement de Constitution n’a manifestement pas suffi à rompre certains réflexes de cour, où l’on s’adresse au président comme à un souverain, prié de faire une exception pour « l’enfant du terroir ».
Lex ministre de la Santé dont les "frères" pleurnichent le retour au gouvernement
Le timing n’est pas anodin. Depuis le 14 novembre, Brice Clotaire Oligui Nguema a choisi de combler les portefeuilles vacants par la nomination de ministres intérimaires, plutôt que par l’entrée de nouvelles personnalités au gouvernement. Cette stratégie entretient un flou politique : elle laisse planer l’idée que les sortants pourraient, à terme, retrouver leur fauteuil. Dans ce contexte, des courriers comme celui de Mbigou ressemblent à des tentatives de surfer sur cette zone grise pour remettre certains noms en selle.
Reste une question de fond, que ce type de plaidoyer esquive soigneusement : si la Ve République prétend clarifier les rôles et responsabiliser les élus, peut-on continuer à considérer les ministères comme des biens négociables, au gré des pressions locales et des lettres d’allégeance ? En réhabilitant les pratiques de supplique au sommet de l’État, ce courrier ne défend pas seulement un homme ; il rappelle aussi combien la culture politique gabonaise reste travaillée par l’héritage du régime déchu, au risque d’affaiblir la logique de rupture que revendique officiellement la transition.
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